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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/402

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aimée ? Pourquoi m’inspirer de la confiance pour qu’il me fût plus affreux d’être détrompée ? Trouvera-t-il dans une autre plus d’esprit, plus d’ame, plus de tendresse qu’en moi ? Non, il trouvera moins et sera satisfait ; il se sentira d’accord avec la société. Quelles jouissances, quelles peines factices elle donne !

En présence du soleil et des sphères étoilées, on n’a besoin que de s’aimer et de se sentir digne l’un de l’autre. Mais la société, la société ! comme elle rend le cœur dur et l’esprit frivole ! comme elle fait vivre pour ce que l’on dira de vous ! Si les hommes se rencontraient un jour, dégagés chacun de l’influence de tous, quel air pur entrerait dans l’ame ! que d’idées nouvelles, que de sentimens vrais la rafraîchiraient !

La Nature aussi est cruelle. Cette figure que j’avais, elle va se flétrir ; et c’est en vain alors que j’éprouverais les affections les plus tendres ; des yeux éteints ne peindraient plus mon ame, n’attendriraient plus pour ma prière.

Il y a des peines en moi que je n’exprimerai jamais, pas même en écrivant, je n’en ai pas la force : l’amour seul pourrait sonder ces abîmes.