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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/404

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le bonheur d’un jour est aussi difficile que la destinée de la vie entière.

Je le trouve coupable envers moi, mais quand je le compare aux autres hommes, combien ils me paraissent affectés, bornés, misérables ! et lui, c’est un ange, mais un ange armé de l’épée flamboyante qui a consumé mon sort. Celui qu’on aime est le vengeur des fautes qu’on a commises sur cette terre, la divinité lui prête son pouvoir.

Ce n’est pas le premier amour qui est ineffaçable, il vient du besoin d’aimer ; mais lorsqu’après avoir connu la vie, et dans toute la force de son jugement, on rencontre l’esprit et l’ame que l’on avait jusqu’alors vainement cherchés, l’imagination est subjuguée par la vérité, et l’on a raison d’être malheureuse.

Que cela est insensé, diront au contraire la plupart des hommes, de mourir pour l’amour, comme s’il n’y avait pas mille autres manières d’exister ! L’enthousiasme en tout genre est ridicule pour qui ne l’éprouve pas. La poésie, le dévouement, l’amour, la religion, ont la même origine ; et il y a des hommes aux yeux desquels ces sentimens sont de la folie. Tout est folie, si l’on veut, hors le soin que l’on