Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
CORINNE OU L’ITALIE.

moins coupable eu étant si près dépérir ; on pardonne à ses ennemis, lorsque la mort les menace ; on se sent aussi, dans une situation semblable, de l’indulgence pour soi-même. Lord Nelvil pensait seulement aux larmes de Corinne, lorsqu’elle apprendrait qu’il n’était plus, il oubliait celles que ses torts lui avaient fait répandre.

Au milieu des périls qui font si souvent réfléchir sur l’incertitude de la vie, il songeait bien plus à Corinne qu’à Lucile ; ils avaient tant parlé de la mort ensemble, ils avaient si souvent approfondi toutes les pensées les plus sérieuses, qu’il croyait encore s’entretenir avec Corinne, quand il s’occupait des grandes idées que retrace le spectacle habituel de la guerre et de ses dangers. C’était à elle qu’il s’adressait quand il était seul, bien qu’il dût la croire irritée contre lui. Il lui semblait qu’ils s’entendaient encore, malgré l’absence, malgré l’infidélité même ; tandis que la douce Lucile, qu’il ne croyait pas offensée contre lui, ne s’offrait à son souvenir que comme une personne digne d’être protégée, mais à laquelle il fallait épargner toutes les réflexions tristes et profondes. Enfin les troupes que lord Nelvil commandait furent rappelées en Angleterre ; il revint : déjà la tranquillité du