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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/436

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CORINNE OU L’ITALIE.

respect. Lady Edgermond n’était plus en état de sortir de son lit, et sa situation lui donnait beaucoup d’humeur et de chagrin. Elle revit pourtant avec plaisir lord Nelvil, car elle était très-tourmentée par la crainte de mourir en son absence, et de laisser sa fille ainsi seule au monde. Lord Nelvil avait tellement pris l’habitude d’une vie active, qu’il lui en coûtait beaucoup de rester presque tout le jour dans la chambre de sa belle-mère, qui ne recevait plus personne que son gendre et sa fille. Lucile aimait toujours beaucoup lord Nelvil ; mais elle avait la douleur de ne pas se croire aimée, et lui cachait par fierté ce qu’elle savait de ses sentimens pour Corinne et la jalousie qu’ils lui causaient. Cette contrainte ajoutait encore à sa réserve habituelle, et la rendait plus froide et plus silencieuse qu’elle ne l’eût été naturellement. Lorsque son époux voulait lui donner quelques conseils sur le charme qu’elle aurait pu répandre dans la conversation, en y mettant plus d’intérêt ; elle croyait voir dans ces conseils un souvenir de Corinne, et se blessait, au lieu d’en profiter. Lucile avait une grande douceur de caractère, mais sa mère lui avait donné des idées positives sur tous les points ; et quand lord Nelvil vantait les plaisirs de l’imagination et le charme des beaux-arts, elle voyait toujours