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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/447

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CORINNE OU L’ITALIE.

force de scrupules et d’interrogations secrètes sur sa conduite. Plus on est vertueux, plus la délicatesse s’accroît, et avec elle les inquiétudes de la conscience ; Lucile n’avait de refuge contre cette disposition que dans la piété, et de longues prières intérieures la tranquillisaient.

Comme ils avançaient vers le Mont-Cenis, toute la nature semblait prendre un caractère plus terrible ; la neige tombait en abondance sur la terre déjà couverte de neige : on eût dit qu’on entrait dans l’enfer de glace si bien décrit par Le Dante. Toutes les productions de la terre n’offraient plus qu’un aspect monotone, depuis le fond des précipices jusqu’au sommet des montagnes ; une même couleur faisait disparaître toutes les variétés de la végétation ; les rivières coulaient encore au pied des monts ; mais les sapins, devenus tout blancs, se répétaient dans les eaux comme des spectres d’arbres. Oswald et Lucile regardaient ce spectacle en silence ; la parole semble étrangère à celle nature glacée, et l’on se tait avec elle ; lorsque tout à coup ils aperçurent, sur une vaste plaine de neige, une longue file d’hommes habillés de noir qui portaient un cercueil vers une église. Ces prêtres, les seuls êtres vivans qui parussent au milieu de cette campagne froide et déserte, avaient