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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/45

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CORINNE OU L’ITALIE.

réellement, qu’une femme, dont je vous parlerai bientôt, étourdissait ma tristesse intérieure. Cependant, quoique j’eusse pris le goût et l’habitude de la vie de Paris, elle ne m’aurait pas suffi long-temps, si je n’avais pas obtenu l’amitié d’un homme, parfait modèle du caractère français dans son antique loyauté, et de l’esprit français dans sa culture nouvelle.

Je ne vous dirai pas, mon amie, le véritable nom des personnes dont j’ai à vous parler, et vous comprendrez ce qui m’oblige à vous le cacher, en apprenant le reste de cette histoire. Le comte Raimond était de la plus illustre famille de France ; il avait dans l’ame toute la fierté chevaleresque de ses ancêtres, et sa raison adoptait les idées philosophiques, quand elles lui commandaient des sacrifices personnels : il ne s’était point activement mêlé de la révolution ; mais il aimait ce qu’il y avait de vertueux dans chaque parti ; le courage de la reconnaissance dans les uns, l’amour de la liberté dans les autres, tout ce qui était désintéressé lui plaisait. La cause de tous les opprimés lui paraissait juste, et cette générosité de caractère était encore relevée par la plus grande négligence pour sa propre vie. Ce n’était pas qu’il fut précisément malheureux, mais il y avait un