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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/451

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CORINNE OU L’ITALIE.

Lucile lui demandèrent avec inquiétude s’il fallait commencer la descente ? — Oui, répondit-elle, puisque mylord ne s’y oppose pas. — Lucile avait tort de ne pas exprimer ses craintes, car sa fille était avec elle ; mais quand on aime et qu’on ne se croit pas aimé, on se blesse de tout, et chaque instant de la vie est une douleur et presque une humiliation. Oswald restait à cheval, bien que ce fut la plus dangereuse manière de descendre ; mais il se croyait ainsi plus sûr de ne pas perdre de vue sa femme et sa fille.

Au moment où Lucile vit du sommet du mont la route qui en descend, cette route si rapide qu’on la prendrait elle-même pour un précipice, si les abîmes qui sont à côté n’en faisaient sentir la différence, elle serra sa fille contre son cœur avec une émotion très-vive. Oswald le remarqua, et laissant son cheval, il vint lui-même se joindre aux porteurs pour soutenir le brancard. Oswald avait tant de grâce dans tout ce qu’il faisait, que Lucile, en le voyant s’occuper d’elle et de Juliette avec beaucoup de zèle et d’intérêt, sentit ses yeux mouillés de larmes ; mais à l’instant il s’éleva un coup de vent si terrible que les porteurs eux-mêmes tombèrent à genoux et s’écrièrent : Ô mon Dieu,