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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/459

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CORINNE OU L’ITALIE.

on est confondu du travail scrupuleux de chaque détail. L’édifice entier, dans toute sa hauteur, est orné, sculpté, découpé, si l’on peut s’exprimer ainsi, comme le serait un petit objet d’agrément. Que de patience et de temps il a fallu pour accomplir un tel œuvre ! La persévérance vers un même but se transmettait jadis de génération en génération, et le genre humain, stable dans ses pensées, élevait des monumens inébranlables comme elles. Une église gothique fait naître des dispositions très-religieuses. Horace Walpole a dit que les papes ont consacré, à bâtir des temples à la moderne, les richesses que leur avait valu la dévotion inspirée par les églises gothiques. La lumière qui passe à travers les vitraux coloriés, les formes singulières de l’architecture, enfin l’aspect entier de l’église est une image silencieuse de ce mystère de l’infini qu’on sent au-dedans de soi, sans pouvoir jamais s’en affranchir, ni le comprendre.

Lucile et lord Nelvil quittèrent Milan un jour où la terre était couverte de neige, et rien n’est plus triste que la neige en Italie. On n’y est point accoutumé à voir disparaître la nature sous le voile uniforme des frimas ; tous les Italiens se désolent du mauvais temps,