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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/462

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CORINNE OU L’ITALIE.

Corrège ; lord Nelvil conduisit Lucile dans une église où l’on voit une peinture à fresque de lui, appelée la Madone délla Scala. Elle est recouverte par un rideau. Lorsque l’on tira ce rideau, Lucile prit Juliette dans ses bras pour lui faire mieux voir le tableau, et dans cet instant l’attitude de la mère et de l’enfant se trouva par hasard presque la même que celle de la Vierge et de son fils. La figure de Lucile avait tant de ressemblance avec l’idéal de modestie et de grâce que Le Corrège a peint, qu’Oswald portait alternativement ses regards du tableau vers Lucile, et de Lucile vers le tableau ; elle le remarqua, baissa les yeux, et la ressemblance devint plus frappante encore ; car Le Corrège est peut-être le seul peintre qui sait donner aux yeux baissés une expression aussi pénétrante que s’ils étaient levés vers le ciel. Le voile qu’il jette sur les regards ne dérobe en rien le sentiment ni la pensée, mais leur donne un charme de plus, celui d’un mystère céleste.

Cette Madone est prête à se détacher du mur, et l’on voit la couleur presque tremblante qu’un souffle pourrait faire tomber. Cela donne à ce tableau le charme mélancolique de tout ce qui est passager, et l’on y revient plusieurs fois, comme pour dire à sa beauté