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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/483

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CORINNE OU L’ITALIE.

donner, je ne m’y serais pas un instant refusée. Je ne sais pourquoi je n’ai point de ressentiment contre vous, bien que la douleur que vous m’avez causée me fasse frissonner d’effroi. Il faut que je vous aime encore pour n’avoir aucun mouvement de haine ; la religion seule ne suffirait pas pour me désarmer ainsi. J’ai eu des momens où ma raison était altérée ; d’autres, et c’étaient les plus doux, où j’ai cru mourir avant la fin du jour par le serrement de cœur qui m’oppressait, d’autres enfin où j’ai douté de tout, même de la vertu ; vous étiez pour moi son image ici-bas, et je n’avais plus de guide pour mes pensées comme pour mes sentimens, quand le même coup frappait en moi l’admiration et l’amour.

Que serais-je devenue sans le secours céleste ? Il n’y a rien dans ce monde qui ne fût empoisonné par votre souvenir. Un seul asile me restait au fond de l’ame, Dieu m’y a reçue. Mes forces physiques vont en décroissant, mais il n’en est pas ainsi de l’enthousiasme qui me soutient. Se rendre digne de l’immortalité est, je me plais à le croire, le seul but de l’existence. Bonheur, souffrances, tout est moyen pour ce but ; et vous