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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/52

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CORINNE OU L’ITALIE.

parlions de sa sœur : c’était la première gêne qui eût existé entre nous ; mais plusieurs fois madame d’Arbigny m’avait conjuré de ne pas m’entretenir d’elle avec son frère, et lorsque je m’étonnais de cette prière, elle me disait : — Je ne sais si vous êtes comme moi, mais je ne puis souffrir qu’un tiers, même mon ami intime, se mêle de mes sentimens pour un autre. J’aime le secret dans toutes les affections. — Cette explication me plaisait assez, et j’obéissais à ses désirs. Je reçus alors une lettre de mon père, qui me rappelait en Écosse. Les six mois fixés pour mon séjour en France étaient écoulés, et les troubles de ce pays allant toujours en croissant, il ne pensait pas qu’il convînt à un étranger d’y rester davantage. Cette lettre me causa d’abord une vive peine. Je sentais, néanmoins, combien mon père avait raison ; j’avais un grand désir de le revoir ; mais la vie que je menais à Paris, dans la société du comte Raimond et de sa sœur, m’était tellement agréable, que je ne pouvais m’en arracher sans un amer chagrin. J’allai tout de suite chez madame d’Arbigny, je lui montrai ma lettre, et, pendant qu’elle la lisait, j’étais si absorbé par ma peine, que je ne vis pas même quelle impression elle en recevait. Je l’entendis seulement qui me disait