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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/55

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CORINNE OU L’ITALIE.

à moi et me dit assez haut pour que l’on put l’entendre, qu’elle avait une lettre à me remettre pour une de ses amies en Angleterre, et elle ajouta très-vite et très-bas : — Vous ne regrettez que mon frère ; vous ne parlez qu’à lui, et vous voulez me percer le cœur en vous en allant ainsi ! — Puis elle retourna sur-le-champ s’asseoir au milieu de son cercle. Je fus troublé de ces paroles et j’allais rester comme elle le désirait, lorsque le comte Raimond me prit par le bras et m’emmena dans sa chambre.

Quand tout le monde fut parti, nous entendîmes sonner à coups redoublés dans l’appartement de madame d’Arbigny, le comte Raimond n’y faisait pas attention : je le forçai cependant à s’en inquiéter et nous envoyâmes demander ce que c’était, on nous répondit que madame d’Arbigny venait de se trouver mal. Je fus vivement ému ; je voulais la revoir, retourner chez elle encore une fois, le comte Raimond m’en empêcha obstinément. — Évitons ces émotions, dit-il, les femmes se consolent toujours mieux quand elles sont seules. — Je ne pouvais comprendre cette dureté pour sa sœur, si fort en contraste avec la constante bonté de mon ami, et je me séparai de lui le lendemain avec une sorte d’embarras qui rendit nos adieux