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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/79

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CORINNE OU L’ITALIE.

plus ouvertement l’immoralité sont très-flattés si par hasard on leur donne une marque d’estime : la circonstance aussi dans laquelle nous nous trouvions était assez grave pour que M. de Maltigues en fût peut-être ému ; mais comme pour rien au monde il n’aurait voulu qu’on le remarquât, il dit en plaisantant ce qui lui était inspiré, je le crois, par un sentiment plus sérieux.

— Vous êtes une honnête créature, mon cher Nelvil, je veux faire pour vous quelque chose de généreux, on dit que cela porte bonheur, et la générosité est en effet une qualité si enfantine qu’elle doit être plutôt récompensée dans le ciel que sur la terre. Mais avant de vous servir, il faut que nos conditions soient bien faites, quoi que je vous dise, nous ne nous en battrons pas moins. — Je répondis à ces mots par un consentement très-dédaigneux, ce que je crois, car je trouvais la précaution oratoire au moins inutile. M. de Maltigues continua d’un ton sec et dégagé. — Madame d’Arbigny ne vous convient pas, vos caractères n’ont aucun rapport ensemble, votre père, d’ailleurs, serait désespéré si vous faisiez ce mariage, et vous seriez désespéré d’affliger votre père ; il vaut donc mieux que, si je vis, ce soit moi qui épouse madame d’Arbigny, et si vous me tuez, il vaut mieux encore qu’elle en