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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/83

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CORINNE OU L’ITALIE.

je croyais obtenir mon pardon de mon père ; j’étais sûr qu’en lui disant combien j’avais été trompé, il m’aimerait davantage, puisqu’il me saurait plus à plaindre. Après un voyage de près d’un mois, jour et nuit, à travers l’Allemagne, j’arrivai en Angleterre plein de confiance dans l’inépuisable bonté paternelle. Corinne, en débarquant, un papier public m’annonça que mon père n’était plus ! Vingt mois se sont passés depuis ce moment, et il est toujours devant moi comme un fantôme qui me poursuit. Les lettres qui formaient ces mots : Lord Nelvil vient de mourir, ces lettres étaient flamboyantes ; le feu du volcan qui est là devant nous est moins effrayant qu’elles. Ce n’est pas tout encore ; j’appris qu’il était mort profondément affligé de mon séjour en France, craignant que je ne renonçasse à la carrière militaire, que je n’épousasse une femme dont il pensait peu de bien, et que, me fixant dans un pays en guerre avec le mien, je ne me perdisse entièrement de réputation en Angleterre. Qui sait si ces douloureuses pensées n’ont pas abrégé ses jours ! Corinne, Corinne, ne suis-je pas un assassin, ne le suis-je pas, dites-le-moi ? — Non, s’écria-t-elle, non, vous n’êtes que malheureux, c’est la bonté, c’est la générosité qui vous ont