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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/9

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CORINNE OU L’ITALIE.

Toute la montagne qui domine Terracine est couverte d’orangers et de citronniers qui embaument l’air d’une manière délicieuse. Rien ne ressemble, dans nos climats, au parfum méridional des citronniers en pleine terre : il produit sur l’imagination, presque le même effet qu’une musique mélodieuse ; il donne une disposition poétique, excite le talent et l’enivre de la nature. Les aloës, les cactus à larges feuilles que vous rencontrez à chaque pas, ont une physionomie particulière, qui rappelle ce que l’on sait des redoutables productions de l’Afrique. Ces plantes causent une sorte d’effroi : elles ont l’air d’appartenir à une nature violente et dominatrice. Tout l’aspect du pays est étranger : on se sent dans un autre monde, dans un monde qu’on n’a connu que par les descriptions des poètes de l’antiquité, qui ont tout à la fois, dans leurs peintures tant d’imagination et d’exactitude. En entrant dans Terracine, les enfans jetèrent dans la voiture de Corinne une immense quantité de fleurs qu’ils cueillaient au bord du chemin, qu’ils allaient chercher sur la montagne, et qu’ils répandaient au hasard, tant ils se confiaient dans la prodigalité de la nature ! Les chariots qui rapportaient la moisson des champs, étaient ornés tous les jours avec des guirlandes