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Page:De Wulf - Le Problème des Universaux dans son évolution historique du IXe au XIIIe siècle, 1900.pdf/19

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philosophes : les adversaires du réalisme. Ils auront un mal immense à opposer une doctrine à une doctrine. Car ne l’oublions pas, ils devront se mesurer avec la vraie difficulté des universaux. Comme nous l’avons dit, il ne suffit pas, en effet, d’affirmer la substantialité des seuls êtres individuels, mais il importe de concilier cette thèse avec la valeur de nos notions universelles. Dans le réalisme outré, cette antinomie n’existe pas.

Or, les premiers philosophes du groupe que nous étudions en ce moment se sont bornés à défendre parallèlement ces deux théories, sans se demander si elles sont ou ne sont pas conciliables. Il convient d’interpréter leurs déclarations avec de prudentes réserves. On n’a pas suffisamment remarqué jusqu’ici que les premiers adversaires du réalisme, en soutenant la vraie théorie des universaux, ne savent pas et ne songent pas à l’étreindre sous ses angles nombreux. Quand ils disent que les universaux sont des abstractions conceptuelles, des mots, ils ne songent point pour cela à prendre position dans le nominalisme, tel que nous l’avons défini plus haut. Et quand ils parlent de représentations universelles, ils n’ont pas suffisamment mûri les lois de leur formation pour décider si ces formes de l’entendement ont une valeur purement idéale (conceptualisme) ou en même temps une valeur réelle (réalisme modéré). Ces nuances de la pensée ne se traduiront qu’après une lente élaboration qui remplit environ quatre siècles.

Les philosophes des premières écoles philosophiques de la Germanie reprennent la double alternative de Porphyre : les mots pour eux sont les opposés des choses, et comme ils se refusent à voir dans les universaux des réalités, ils les réduisent à des abstractions verbales.

Rhaban Maur, disciple d’Alcuin et professeur à Tours et à Fulde, n’a pas été au delà de ces affirmations générales ; Heiric d’Auxerre, qui au milieu du IVe siècle suivit les leçons de Servat Loup et des professeurs de Fulde avant d’ouvrir l’école d’Auxerre, reflète les mêmes tendances dans les gloses qu’il a laissées sur les Catégories faussement attribuées à saint Augustin.

On croit communément que Roscelin, l’audacieux moine de Compiègne (XIe siècle), marque une étape dans le mouvement