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Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/248

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Après avoir répondu les compliments d’usage et être resté plus qu’il n’est ordinaire dans ces réceptions, il a ordonné à Muchtar de prendre la lettre du roi des Français et nous a accordé la faveur inouïe de visiter quelques-uns de ses appartements. Il a tourné bride, après nous avoir fait un signe d’adieu, et il s’est perdu dans la foule à droite avec la musique.

La voiture qui était partie après lui était couverte en drap vert, traînée par une mule caparaçonnée de rouge, les roues dorées. Hommes qui l’éventaient avec des mouchoirs blancs longs comme des turbans.

Entré par la même porte ; là, remonté à cheval. Passé une porte qui menait à une espèce de rue entre deux grands murs bordés d’une haie de soldats de part et d’autre.

Descendu de cheval devant une petite porte à laquelle on a frappé quelque temps. Nous sommes entrés bientôt dans une cour de marbre avec une vasque versant de l’eau au milieu ; en haut, petits volets peints. Traversé quelques petites pièces avec des jeunes enfants, nègres pour la plupart et médiocrement vêtus. Sortis sur une terrasse d’un jardin. Portes délabrées, peintures usées. Trouvé un petit

    splendeur de tons qu’il en est gris comme la nature, gris comme l’atmosphère de l’été, quand le soleil étend comme un crépuscule de poussière tremblante sur chaque objet. Aussi ne l’aperçoit-on pas du premier coup : ses voisins l’assomment. La composition est excellente, elle a quelque chose d’inattendu, parce qu’elle est vraie et naturelle. »
    — P. S. « On dit qu’il y a des éloges qui compromettent, et que mieux vaut un sage ennemi… Nous ne croyons pas, nous, qu’on puisse compromettre le génie en l’expliquant. »