Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

d’un homme qui a du talent : il dit tout ce qui lui vient.

Sur la fausseté du système moderne dans les romans. C’est-à-dire cette manie de trompe-l’œil dans les descriptions de lieux, de costumes, qui ne donne au premier abord un air de vérité que pour rendre plus fausse ensuite l’impression de l’ouvrage, quand les caractères sont faux, quand les personnages parlent mal à propos et sans fin, et surtout quand la fable ajustée pour les amener et les faire agir ne présente que le tissu vulgaire ou mélodramatique de toutes les combinaisons usitées pour faire de l’effet. Ils sont comme les enfants, quand ils imitent la représentation des pièces de théâtre. Ils figurent une action telle quelle, c’est-à-dire absurde le plus souvent, avec des décorations formées de vraies branches d’arbres, qui représentent des arbres, etc.

Pour arriver à satisfaire l’esprit, après avoir décrit le théâtre de l’action ou l’extérieur des personnages comme le font Balzac et les autres, il faudrait des miracles de vérité dans la peinture des caractères et dans les discours qu’on prête aux personnages ; le moindre mot sentant l’emphase, la moindre prolixité dans l’expression des sentiments, détruisent tout l’effet de ces préambules, en apparence si naturels.

    « M. Victor Hugo, disait Raudelaire, est un grand poète sculptural qui a l’œil fermé à la spiritualité. » Rien ne peut mieux que cette brève observation faire toucher du doigt la cause de l’incompréhension de Victor Hugo en ce qui concerne les femmes de Delacroix !