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Page:Delacroix - Journal, t. 1, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/509

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Samedi 27 avril. — Je dors le soir outrageusement, et même dans la journée. L’écueil de la campagne, pour un homme qui craint de lire beaucoup, c’est l’ennui et une certaine tristesse que le spectacle de la nature inspire.

Je ne sens pas tout cela quand je travaille ; mais cette fois, j’ai résolu de ne rien faire absolument pour me reposer du travail un peu abstrait de la composition de mon plafond.

Dimanche 28 avril. — Le matin, grande promenade dans la forêt de Sénart.

Entré par la ruelle du marquis, revu les inscriptions amoureuses de la muraille de son parc ; chaque année la pluie, l’effet du temps en emporte quelque chose ; à présent elles sont presque illisibles. Je ne puis m’empêcher toutes les fois que je passe là, et j’y passe souvent exprès, d’être ému des regrets et de la tendresse de ce pauvre amoureux ! Il a l’air bien pénétré de l’éternité de son sentiment pour sa Célestine. Dieu sait ce qu’elle est devenue, aussi bien que ses amours ! Mais qui est-ce qui n’a pas connu cette jeune exaltation, le temps où l’on n’a pas un instant de repos, et où l’on jouit de ses tourments ?

J’ai été jusqu’à l’endroit des grenouilles et revenu par le petit chemin le long de la colline.

J’ai été avec la servante cueillir dans la journée des fleurs dans le champ de Candas.