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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/206

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

de son enclos, mais sur la partie qui mène à l’entrée de la forêt, et j’ai fait un croquis d’un chêne, pour me rendre compte de la distribution des branches.

Je me suis mis à lire le journal en rentrant. La littérature a eu le dessous, mais, au demeurant, je ne m’ennuie pas, c’est l’essentiel.

Vers quatre heures, au lieu de sortir, j’ai fait le vitrier, et j’ai peint une vieille glace.

Le soir, promenade vers Soisy. Descendu par une ruelle qui m’a conduit dans des endroits très solitaires et assez attrayants ; j’ai fait amitié à un chat angora charmant qui me suivait et qui s’est laissé caresser.

Jeudi 12 mai. — J’ai beaucoup travaillé au damnable article. Débrouillé comme j’ai pu, au crayon, tout ce que j’ai à dire, sur de grandes feuilles de papier. Je serais tenté de croire que la méthode de Pascal, — d’écrire chaque pensée détachée sur un petit morceau de papier, — n’est pas trop mauvaise, surtout dans une position où je n’ai pas le loisir d’apprendre le métier d’écrivain. On aurait toutes ses divisions et subdivisions sous les yeux comme un jeu de cartes, et l’on serait frappé plus facilement de l’ordre à y mettre. L’ordre et l’arrangement physique se mêlent plus qu’on ne croit des choses de l’esprit. Telle situation du corps sera plus favorable à la pensée : Bacon composait, à ce qu’on dit, en sautant à cloche-pied ; à Mozart, à Rossini, à Voltaire, les idées