Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

il a partagé le succès et soulevé les enthousiasmes ; c’est l’acteur shakespearien[1] par excellence, la plus complète incarnation du drame moderne. »

Jeudi 19 mai. — Promenade l’après-midi par la porte du jardin avec Jenny, et délicieux aspect de tout le côté de Corbeil : grands nuages à l’horizon éclairés en face par le soleil.

Admiré la petite source près du lavoir et des grands peupliers, puis remontés ensemble pour dîner.

Vendredi 20 mai. — Parti pour aller au conseil par l’omnibus du chemin de fer de Lyon ; cela m’a rappelé les voyages de ma jeunesse. La nature, en chemin de fer, ne fait pas le même effet ; cette rêverie délicieuse qui s’empare de vous, quand on se sent installé dans son coin de coupé, sans cet ennui perpétuel de voir de nouvelles figures monter et descendre, le mouvement des chevaux, et surtout moins de rapidité à traverser tous les aspects.

Arrivé dans une mauvaise disposition au Jardin des Plantes, j’ai redouté la pluie un moment ; cela m’avait fait presque résoudre de revenir aussitôt le conseil fini. Mais arrivé à l’Hôtel de ville, j’ai appris

  1. Dans l’Histoire du romantisme de Gautier, on lit à propos de Frédérick Lemaître : « C’est toujours un noble et beau spectacle que de voir ce grand acteur, le seul qui chez nous rappelle Garrick, Kemble, Macready, et surtout Kean, faire trembler de son vaste souffle shakespearien les frêles portants des coulisses des scènes du boulevard. »