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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/229

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

Revenu vers dix heures ; la pluie donnait à toute cette verdure toute fraîche une odeur délicieuse ; les étoiles brillantes, mais surtout cette odeur ! Vers le potager de Gibert, jusqu’à celui de Quantinet, une odeur de ma jeunesse, si pénétrante, si délicieuse, que je ne peux la comparer à rien. Je suis passé et repassé cinq ou six fois : je ne pouvais m’en arracher. Il m’a rappelé l’odeur de certaines petites plantes de potager, — que je voyais à Angerville, dans le jardin de M. Gastillon le père, — qui portent une espèce de fruit qui fait explosion dans la main.

Dans la conversation de ce soir, Mme Barbier m’a parlé de P… ; quoiqu’en laissant percer l’animosité qu’elle conserve peut-être justement, comme elle l’a fait valoir, elle m’a fait réfléchir profondément sur ses qualités, sur son dévouement à sa manière, sur l’affection qu’elle a pour moi, et que je retrouve chez moi pour elle ; il y a des êtres qui naissent accouplés : son souvenir me plaît et me remue toujours.

Lundi 30 mai. — Lu dans le feuilleton de Gautier, sur un jeune violoniste prodige, le mot d’Alphonse Karr[1], qui se trouvait également en présence d’un

    trente ans, et lui, l’élégant, le raffiné, l’érudit, ne dédaignait pas de montrer et d’expliquer les mystères de la sculpture assyrienne à cette excellente femme, qui l’écoutait d’ailleurs avec une naïve application. »

  1. Puisque le nom d’Alphonse Karr se trouve ici prononcé, nous pouvons rapporter l’anecdote touchant Delacroix qui est transcrite dans ses Guêpes : « Voici ce qu’on raconte de M. Eugène Delacroix et de l’architecte de la Chambre des députés : M. Delacroix est allé le