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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/254

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

chaleur elle défendait la science de son mari. Elle ne lui trouve probablement que cette qualité, et elle l’en pare comme de raison. Elle m’a dit qu’en fait de restauration, il ne se donnait pas un coup de pinceau, à moins que M. Villot ne prît lui-même la palette. Grande recommandation, à ce qu’on peut croire !

Dans la journée, travaillé un peu mollement, et pourtant avec succès, à la petite Sainte Anne. Le fond refait sur des arbres que j’ai dessinés il y a deux ou trois jours, à la lisière de la forêt vers Draveil, a changé tout ce tableau. Ce peu de nature prise sur le fait, et qui pourtant s’encadre avec le reste, lui a donné un caractère. J’ai repris également pour les figures, les croquis faits à Nohant d’après nature, pour le tableau de Mme Sand. J’y ai gagné de la naïveté et de la fermeté dans la simplicité.

De l’emploi du modèle. — C’est cet effet qu’il faut obtenir de l’emploi du modèle et de la nature en général ; c’est aussi la chose la plus rare dans la plupart des tableaux où le modèle joue un grand rôle. Il tire tout à lui, et il ne reste plus rien du peintre. Chez un homme très savant et très intelligent à la fois, son emploi bien entendu supprime, dans le rendu, les détails que le peintre, qui fait d’idée, prodigue toujours trop, de peur d’omettre quelque chose d’important, et qui empêche de toucher franchement et de mettre dans tout leur jour les détails vraiment caractéristiques. Les ombres, par exemple, sont toujours trop détaillées dans la peinture faite