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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/268

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tout autre effet. Il y a aussi dans celui de Rubens et dans celui de Géricault un je ne sais quoi de style michelangesque qui ajoute encore à l’effet que produit la dimension des personnages et leur donne quelque chose d’effrayant. La proportion entre pour beaucoup dans le plus ou moins de puissance d’un tableau. Non seulement, comme je le disais, ces tableaux ne seraient qu’ordinaires dans l’œuvre du maître exécutée en petit ; mais même grands simplement comme nature, ils n’atteindraient pas à l’effet sublime. La preuve, c’est que la gravure du tableau de Rubens ne me le produit nullement.

Je dois dire que la dimension ne fait pas tout, car plusieurs de ses tableaux où les figures sont très grandes ne me donnent pas ce genre d’émotion, qui est le plus élevé pour moi ; je ne puis dire non plus que ce soit exclusivement quelque chose de plus italien dans le style, car les tableaux de Gros qui n’en offrent point de trace et qui ne sont qu’à lui, me transportent au même degré dans cette situation de l’âme que je trouve la plus puissante que cet art puisse inspirer. C’est un mystère curieux que celui de ces impressions produites par les arts sur des organisations sensibles : confuses impressions, si on veut les décrire, pleines de force et de netteté, si on les éprouve de nouveau, seulement par le souvenir ! Je crois fortement que nous mêlons toujours de nous-mêmes dans ces sentiments qui semblent venir des objets qui nous frappent. Il est probable que ces