Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

soirée, à l’infortuné Donizetti, mort à présent, et à qui je rends justice, imitant en cela le commun des mortels, hélas ! et même les premiers parmi eux. Ils sont tous injustes pour le talent contemporain. J’ai été ravi du chœur d’hommes en manteau, dans la charmante décoration de l’escalier du jardin au clair de lune. Il y a des réminiscences de Meyerbeer, au milieu de cette élégance italienne, qui se marient très bien au reste. Ravi surtout de l’air qui suit, chanté délicieusement par Mario : autre injustice réparée ; je le trouve charmant aujourd’hui. Cela ressemble à ces amours qui vous prennent tout d’un coup, après des années, pour une personne que vous étiez habitué à voir tous les jours avec indifférence. Voilà la bonne école de Rossini ; il lui a emprunté, parmi les meilleures choses, ces introductions qui mettent le spectateur dans la disposition de l’âme où le veut le musicien. Il lui doit aussi, comme Bellini, et il ne les gâte pas, ces chœurs mystérieux dans le genre de celui que je citais… le chœur des prêtres, dans Sémiramis, etc.

Dimanche 27 novembre. — J’ai été le soir chez la bonne Alberthe ; j’avais à cœur de la remercier du plaisir qu’elle m’a procuré hier soir. Je l’ai encore trouvée seule dans sa grande chambre de magicienne. Je m’attendais, aujourd’hui dimanche, à lui voir le cercle que je trouvais habituellement chez elle, et composé de ce qu’elle appelait ses amis. Depuis