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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/340

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

niaise imitation de mœurs qui ne nous touchent pas, bâtard par cette musique d’opera-comique, et qui certes n’a rien d’antique pour faire chanter des porchers. Mieux aurait valu du plain-chant, puisqu’on était en train d’archaïsme.

4 avril. — De la différence qu’il y a entre la littérature et la peinture relativement à l’effet que peut produire l’ébauche d’une pensée, en un mot de l’impossibilité d’ébaucher en littérature, de manière à peindre quelque chose à l’esprit, et de la force, au contraire, que l’idée peut présenter dans une esquisse ou un croquis primitif. La musique doit être comme la littérature, et je crois que cette différence entre les arts du dessin et les autres tient à ce que les derniers ne développent l’idée que successivement. Quatre traits, au contraire, vont résumer pour l’esprit toute l’impression d’une composition pittoresque.

Même quand le morceau de littérature ou de musique est achevé quant à sa composition générale, qui est supposée devoir donner l’impression pour l’esprit, l’inachèvement des détails sera d’un plus grand inconvénient que dans un marbre ou un tableau ; en un mot, l’a peu près y est insupportable, ou plutôt ce qu’on appelle, en peinture, l’indication, le croquis, y est impossible : or, en peinture, une belle indication, un croquis d’un grand sentiment, peuvent égaler les productions les plus achevées pour l’expression.