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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/368

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

en revenant l’histoire de la Diligence de Lyon[1].

10 mai. — Insipide matinée et mauvaise disposition à l’Hôtel de ville. Discussion dans le Comité pour le projet Stanislas.

En sortant, vu la salle d’Ingres[2]. Les proportions de son plafond sont tout à fait choquantes : il n’a pas calculé la perte que la fuite du plafond occasionne aux figures. Le vide de tout le bas du tableau est insupportable, et ce grand bleu tout uni dans lequel nagent ces chevaux tout nus aussi, avec cet empereur nu et ce char qui est en l’air, font l’effet le plus discordant pour l’esprit comme pour l’œil. Les figures des caissons sont les plus faibles qu’il ait faites : la gaucherie domine toutes les qualités de cet homme. Prétention et gaucherie, avec une certaine suavité de détails qui ont du charme, malgré ou à cause de leur affectation, voilà, je crois, ce qui en restera pour nos neveux.

J’ai été voir mon salon : je n’y ai retrouvé aucune de mes impressions, tout m’y a paru blafard.

Le soir, chez la princesse ; je me suis mis à saigner du nez ; heureusement, cela n’a pas fait scandale. Beau trio de Mozart. Revenu seul par les Champs-Élysées et par un très beau temps.

  1. Ce fut l’origine du célèbre mélodrame : le Courrier de Lyon.
  2. C’est la salle de l’Hôtel de ville que décora Ingres, et au sujet de laquelle nous avons déjà vu un jugement sévère de Delacroix.