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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/420

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

une unité, c’est-à-dire ayant commencement, milieu et fin ; qu’il pourrait y avoir aussi bien dix que vingt, que trente-trois chants ; que l’intérêt n’est nulle part : que ce ne sont qu’épisodes cousus les uns aux autres, étincelants par moments par les sauvages peintures de tourments, souvent plus bizarres que frappantes, sans qu’il y ait gradation dans l’horreur que ces épisodes inspirent, sans que l’invention de ces divers supplices ou de ces punitions soit en rapport avec les crimes des damnés. Ce que l’article ne dit pas, c’est que le traducteur gâte encore, par la bizarrerie du langage, ce que ces imaginations ont de singulier ; il critique toutefois certaines expressions outrées, tout en approuvant le système de traduire pour ainsi dire mot à mot et de se coller sur son auteur qu’il traduit tercet par tercet et vers par vers.

Comment l’auteur ne serait-il pas tout ce qu’il y a de plus baroque avec cette sotte prétention ? Comment joindre à la difficulté de rendre dans une langue si différente par son tour et par son génie, tout imprégnée de notre allure moderne, un vieil auteur à moitié inintelligible, même pour ses compatriotes, concis, elliptique, obscur et s’entendant à peine lui-même ? J’estime déjà que traduire en ne l’entendant que comme le plus grand nombre des traducteurs, c’est-à-dire dans un langage humain et acceptable par les hommes à qui on s’adresse, est une œuvre assez difficile : faire passer dans le génie d’une langue, surtout en exposant les idées d’une époque entièrement différente, est un