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Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/468

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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dire que si l’infanterie, ou le corps sur lequel on charge paraît trop résolu, on ne fait en quelque sorte que le simulacre de l’attaque ; on garde son courage pour une meilleure occasion ou pour des ennemis moins disposés à la résistance.

La vue de ces feux de peloton, de ces feux de deux rangs, dont les coups précipités ne peuvent avoir de certitude, m’a semblé un mauvais moyen de nuire à l’ennemi, sans parler, comme je le disais, de l’inutilité où on laisse le courage et la vigueur. Il me semble que des tirailleurs, réunis en petits pelotons seulement, exercés au tir, mais en même temps à se réunir promptement pour attaquer de près avec impétuosité, auraient plus d’effet que ces murailles de chair, qui renvoient au hasard et de loin des coups précipités et sans justesse. On leur substituera immanquablement, à ces derniers, des machines dont l’action sera plus calculée et plus meurtrière ; déjà une foule d’inventions se pressent d’écraser en quelques minutes un corps entier, d’asphyxier en un clin d’œil braves et poltrons. Tous ces moyens ne feront qu’annihiler de plus en plus la bravoure personnelle et métamorphoser tout à fait le métier de soldat en celui de mécanicien. Pour utiliser, au contraire, le courage individuel, il faudrait de véritables corps d’élite, non pas choisis sur des hommes de belle apparence, comme on fait d’ordinaire, mais parmi les courages les plus éprouvés. L’attaque brusque et à la baïonnette d’un tel corps au milieu de cette