Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
459
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

dessiné de ma fenêtre les bateaux qui entraient et sortaient.

A ma sortie, vers une heure, dessiné le bateau qu’on flambait de l’autre côté du pont[1], et promené avec un vif sentiment de plaisir. Il semble qu’on passerait sa vie dans cette douce oisiveté. Avant dîner, dessiné à Saint-Jacques, de derrière l’autel. Après dîner, pris par les bassins jusqu’au château, dont la vue prise par derrière, qui m’avait paru superbe, ne m’a rien dit du tout. A la vérité, le ciel n’était peut-être pas tout à fait le même. Promené sur la plage en attendant le moment d’aller chez Mme Manceau qui venait de partir pour aller au spectacle. De là, à Saint-Remy et à Saint-Jacques.

— Le monde n’a pas été fait pour l’homme.

L’homme domine la nature et en est dominé. Il est le seul qui non seulement lui résiste, mais en surmonte les lois, et qui étende son empire par sa volonté et son activité. Mais que la création ait été faite pour lui, c’est une question qui est loin d’être évidente. Tout ce qu’il édifie est éphémère comme lui ; le temps renverse les édifices, comble les canaux, anéantit les connaissances et jusqu’au nom des nations. Où est Carthage ? où est Ninive ?

Les générations, dira-t-on, recueillent l’héritage des générations précédentes. À ce compte-là, la perfection ou le perfectionnement n’aurait pas de bornes.

  1. Voir Catalogue Robaut, no 1269.