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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

envie furieuse de m’en aller. Air charmant de Solié, du Secret[1], chanté par la maîtresse de la maison. Cet air était chanté dans l’opera par Martin[2].

Cette nuit, je retourne dans ma tête le Cogito, ergo sum, de Descartes.

23 septembre. — Sur le silence et les arts silencieux. — Le silence impose toujours : les sots eux-mêmes lui emprunteraient souvent un air respectable. Dans les affaires, dans les relations de toute espèce, les hommes assez sages pour l’observer à propos lui doivent beaucoup. Rien n’est plus difficile que cette retenue pour ceux que l’imagination domine, pour les esprits subtils, qui voient facilement toutes les faces des choses et qui résistent avec plus de peine à exprimer ce qui se passe en eux : propositions jetées témérairement, promesses imprudentes faites sans réflexion, mots piquants hasardés sur des personnages plus ou moins dangereux et redoutables, confidences faites par entraînement et souvent au premier venu ; l’énumération serait longue des inconvénients et des dangers qui résultent des indiscrétions de toutes sortes.

On n’a qu’à gagner au contraire en écoutant. Ce

  1. Solié (1755-1812), compositeur et chanteur, auteur d’un grand nombre d’opéras et d’ariettes fort estimés à cette époque. Le Secret fut représenté à l’Opéra-Comique en 1796.
  2. Jean-Blaise Martin (1768-1837), chanteur, qui pendant quarante ans fit la gloire de l’Opéra-Comique et prêta le concours de son talent aux ouvrages qui y furent représentés.