Aller au contenu

Page:Delacroix - Journal, t. 2, éd. Flat et Piot, 2e éd.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

tous points et la plus expressive que je connaisse dans la peinture. La barbe simple et d’un modelé admirable. La manière dont la lance le frappe, ce fer déjà caché dans sa gorge, et qui y porte la mort, font frémir. Voilà Homère et plus qu’Homère, car le poète ne me fait voir son Hector qu’avec les yeux de l’esprit, et ici je le vois avec ceux du corps. Ici est la grande supériorité de la peinture : à savoir, quand l’image offerte aux yeux non seulement satisfait l’imagination, mais encore fixe pour toujours l’objet et va au delà de la conception.

La Briséis est charmante : elle montre un mélange de pudeur et de joie ; il semble qu’Achille, séparé d’elle par les figures d’hommes qui déposent à terre des trépieds, sente augmenter son désir de satisfaire sa tendresse en l’embrassant ;… le vieillard, qui la lui présente, s’avance en s’inclinant avec un sentiment de honte, mêlé du désir de plaire à Achille. Dans l’Achille découvert, le groupe des filles est admirable : elles sont partagées entre le désir de s’occuper des chiffons et des bijoux, et la surprise de voir Achille, le casque en tête et déjà émancipé… Jambes charmantes.

J’ai déjà parlé du geste d’Achille, qui est incomparable : la vie et l’esprit éclatent dans ses yeux. La Mort d’Achille pleine des mêmes beautés. En étudiant davantage pour dessiner, on est confondu de cette science. Celle des plans est ce qui élève Rubens au-dessus de tous les prétendus dessinateurs ; quand ils les rencontrent, il semble que ce soit une bonne for-