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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/133

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LE PAIN BLANC

de me trouver une place ! » Elle entendit distinctement la parole de sa belle-mère : « Tu peux faire grand tort à la mémoire de ton père… »

Entourée d’obscurités plus noires encore que les réalités, elle se sentait mieux vaincue, maintenant, que pendant la bataille avec la bête de proie, quelques heures plus tôt.

Elle refusa même de dîner chez la petite d’Estenol qui voulait, étrangement, la garder chez elle pendant toute l’absence de Mme Arnaud. Et tant que durèrent ces débats amicaux, l’instinct d’Élysée l’avertit de ce qu’il y avait, dans l’attitude de ses amies, de curiosités malsaines, de longues jalousies refoulées.

Un seul petit mot, en rentrant, l’obsédait comme une idée fixe :

« Je l’ai échappé belle ! »

Seule, dans la grande salle à manger, elle se revit dînant, abandonnée par ses frères, lors de la mort lamentable de maman. Son père était mort aussi. Elle était dorénavant la fille de deux spectres. Prise de peur, elle fit coucher la femme de chambre à côté d’elle, sur un divan.