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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/137

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LE PAIN BLANC

En ouvrant le paquet, arrivé le lendemain, Élysée, avec un cri sourd, retrouva ses petites poupées d’enfant : Nini, la dame bleue, toute la ribambelle des infimes personnages qui la consolaient quand maman la laissait seule à la maison, après l’avoir grondée et bousculée.

« La dame bleue… Nini… »

Elles lui revenaient donc, ses toutes petites amies d’enfance. Une fois de plus, elles étaient les seules compagnes de sa monstrueuse solitude.

Elle les manipula longtemps, retrouvant ses gestes de gamine. Puis, elle les rangea sur la table de sa chambre, les regarda, pâle et les yeux immenses ; et, pour la première fois depuis que son père était mort, les larmes vinrent.

Ce fut comme si elle eût annoncé la nouvelle aux poupées.

— Papa est mort !… sanglota-t-elle.

Elle pensait au mort, et c’était sur elle-même qu’elle pleurait. Fait-on jamais autre chose quand on pleure quelqu’un qui n’est plus ?

Elle était en train de ranger enfin ses poupées dans le tiroir de sa commode. Ses larmes continuaient à tomber, pressées. Elle en sentait des réserves gonfler sa poitrine spasmodique. Elle avait les joues mouillées, le nez mouillé, la bouche salée.

— Mademoiselle, dit la femme de chambre, en entrant, c’est la dactylo qui vient reprendre sa machine à écrire. Si Mademoiselle veut la lui donner elle-même…

— Faites entrer la dactylo…

Elle ne savait même pas son nom. La petite boulotte parut, roulant sur ses hanches, humble personne aux gros yeux jeunes, aux bonnes joues rondes.