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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/141

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LE PAIN BLANC

vait plus ne pas le dire à quelqu’un, elle ne pouvait pas être seule.

Cette petite âme qui se livrait à elle ! Mlle Hachegarde, pour finir, avait pris les mains de la malheureuse gosse.

— Écoutez, mademoiselle ! Écoutez, ma pauvre petite ! Nous ne pouvons pas faire ça !… Votre belle-mère ferait de nouveaux malheurs ! Il faut attendre que vous soyez majeure… Et puis… Vous allez voir comme tout va s’arranger ! Vous savez, notre pianiste, celui dont vous jouiez le rôle dans nos petites soirées. Il est fiancé. Il va se marier dans six mois, quitter Paris… Eh bien !… puisque le malheur le veut, vous… Vous prendrez sa place… Vous tiendrez le piano dans nos cours d’ensemble. Vous pourrez peut-être reprendre ses élèves… Je lui parlerai… Il est encore pour six mois avec nous… Pendant les six autres mois, je ne prendrai que quelqu’un de provisoire… Je vous attendrai… Et même, il pourra vous céder son petit logement tout près de chez nous… Voyez comme ce sera bien ! Vous ne serez pas malheureuse dans la musique, allez ! La musique !… C’est tout, ça ! C’est la vie !… N’est-ce pas ?… N’est-ce pas ?…

Les yeux croisés la regardaient, agrandis, sans plus pleurer, buvant l’espoir, visionnaires. Cette larme restée sur une joue continuait à rouler tout doux vers la bouche ; entrecoupée, haletante, une petite voix d’enfant répétait inconsciemment, indéfiniment.

— Oui… Oui… c’est ça, c’est ça… Oui… Oui…