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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/143

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CHAPITRE XV


C e quartier lointain et morne l’étonnait. Le chauffeur avait eu de la peine à s’orienter.

Quoique souffrante encore, elle n’avait pu, même d’un jour, différer sa première visite à Mlle Hachegarde. C’était le cœur battant qu’elle s’y rendait, repêchée en pleine perdition par le hasard secourable.

Elle monta tout d’une traite, malgré sa fatigue, les deux étages de l’étroit escalier noir. Ce fut Mlle Hachegarde qui vint lui ouvrir et l’introduisait après l’avoir ardemment embrassée. Petit et sombre était le vestibule où se concentrait une odeur de renfermé, des relents vagues de cuisine.

— Entrez, mademoiselle Arnaud ! Je vais justement commencer ma dernière leçon. Ôtez votre chapeau, vous serez mieux !

Le salon exigu, meublé d’une naïve camelote, était tout ennobli par les instruments à cordes posés et accotés partout, les partitions débordant des chaises, les deux pupitres en acajou, chargés de musique. Une petite élève, anodine et de modeste condition, attendait, son violon à la main.

Donner des leçons…

Les grincements du violon maladroit lui faisaient mal. L’air entêtée de la petite bouchée l’impatientait. Comme un chien de berger, Mlle Hachegarde tournait, concentrée, honnête, autour de l’ingrate élève.