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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/149

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LE PAIN BLANC

voix secrète et qui donnait le frisson. C’était un air qu’Élysée ne connaissait pas. Il lui parut singulier et cordial jusqu’à en avoir la chair de poule, comme lorsque maman chantait jadis.

Et, tout à coup, elle reconnut les paroles.

Quand on perd, par triste occurrence.
Son espérance
Et sa gaieté,
Le remède au mélancolique,
C’est la musique
Et la beauté.

Furtive, le cœur subitement atteint, elle s’essuyait les yeux.

— Comme c’est beau !… fit-elle dans un souffle. Et dire que je ne connaissais pas ça !…

Un petit rire sourd :

— Je veux bien le croire !

— De qui est-ce ?…

— De moi !…

Puis, gravement :

— Les vers sont si beaux !

Élysée avait joint les mains. Toutes les défenses du pensionnat Lami lui revenaient.

— Oh !… N’est-ce pas, n’est-ce pas, que c’est un poète, Musset ? N’est-ce pas que ça fait du bien de l’aimer ?…

— Parbleu !

Il arriva juste quelque chose.

On alluma le réverbère dans la rue. À la lueur de ce prosaïque clair de lune, le visage sortit brusquement du mystère. Élysée faillit jeter un petit cri. Ressemblance impressionnante, elle comprenait. C’était le fils de Mme Hachegarde.

Elle eut à peine le temps d’enregistrer cela. Le garçon s’était levé d’un bond.

— Je vais retrouver maman !… Elle doit m’attendre à la cuisine pour éplucher les pommes de terre !

Élysée resta quelques minutes seule, étonnée de tout. Puis la porte s’ouvrit avec bruit. La petite maman, une lampe à la main, entrait en s’esclaffant.