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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/27

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LE PAIN BLANC

subite tombant en plein chagrin l’angoissait aussi. Sortir avec ses frères sans y être autorisée, ce n’était pas dans l’ordre. Peureuse, elle n’osait pas accepter leur offre éblouissante.

Elle murmura :

— Mais… qu’est-ce que dira maman ?

Ils haussèrent les épaules.

— Puisque rien ne va plus dans la boîte, puisque tout le monde te lâche, profites-en au moins pour te payer une bonne bosse ! Nous avons des sous. Nous avons forcé Hortense à nous avancer ça. Viens ! C’est une occase ! Nous allons prendre une auto ouverte. Il fait un temps épatant. Allons ! Vite, ton chapeau ! On tâchera de rentrer avant maman. Elle ne saura rien !

— Eh bien ?… Qu’est-ce que tu dis de ton après-midi ?… Je crois que tu es à point, maintenant !

Jacques et Max, la poussant devant eux dans l’escalier, pouffaient tout bas en se faisant des signes.

Huit heures allaient sonner. Pendant six heures ils s’étaient fait un jeu de promener leur petite sœur de merveille en merveille, non sans la griser de cocktails répétés.

Enchantés de la voir tituber et s’esclaffer à tort et à travers, avec son chapeau chaviré, les deux petites gouapes prenaient leur temps pour monter l’escalier. Leurs éclats de rire étaient tels, en arrivant à leur étage, que la cuisinière sortit par la porte de service. Elle avait les yeux ronds et les joues congestionnées.

— C’est honteux !… bredouilla-t-elle. Vite !… Vite !… Dépêchez-vous de rentrer ! Si vous saviez ! Il y a près d’une heure que madame est revenue, et elle a fait une vie !…

À cette nouvelle, les rires repartirent de plus belle. La petite