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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/64

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LE PAIN BLANC

la vit s’engouffrer sous la porte de sortie sans avoir pu la rattraper.

Une semaine plus tard, Mlle Dufauré montait la trouver dans sa chambre, tandis qu’elle faisait en hâte sa toilette, pour courir au réfectoire.

— Élise, Élise !… Regardez là, dans le journal de ce matin ! Le docteur Stephen Arnaud, c’est bien votre père ?… Eh bien ! Il vient de trouver un sérum… Lisez ce qui se passe dans son ambulance ! Vous êtes la fille d’un père célèbre, mon enfant !

Quinze ans. Grande perche aux bras trop longs, aux petits seins boudinés dans la robe noire, aux cheveux réduits par un chignon de nattes trop serrées, elle préparait, avec une avance d’un an sur les autres, le Grand Brevet de la maison.

Ses yeux agrandis s’ouvraient, longs et biaisés, dans un petit masque lisse et pâle. Sa bouche précise, bien taillée, d’un rouge éclatant, montrait au moindre mot des dents admirables. Ses compagnes de seize ans disaient :

— Élise, ce n’est pas de votre faute, mais avec votre regard croisé, vous avez l’air de faire de l’œil aux chaises…

Elle n’écoutait pas, ne voyait pas, ne sentait pas. Seul l’occupait son rôle de meilleure élève de la maison. Elle avait abandonné la musique pour mieux se donner aux sciences et aux let-