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LE PAIN BLANC

Et d’entendre exprimer si haut sa pensée secrète fut un soulagement pour la pensionnaire.

N’osant dire ni « tu » ni « vous » :

— Qu’elle vienne ôter son chapeau, voir sa chambre…

Un geste engageant l’entraînait. Élysée suivit sa belle-mère, suivie également par son père. Elle n’osait trop regarder autour d’elle, mais elle se rendait tout de suite compte du luxe raffiné, de la tenue parfaite de cette maison qui était celle de son père, et dans laquelle n’apparaissait vraiment aucune trace d’excentricité, grand intérieur bourgeois qu’un goût très sûr avait su rendre artistique, par on ne sait quels détails à découvrir plus tard.

— Voilà sa chambre ! J’espère qu’elle lui plaira !

— Regarde ta bibliothèque, dit le docteur Arnaud, enfantin, pressé de montrer la surprise.

— Oh !… s’écria la petite.

Sur quelques rayons à découvert, précieusement conservés dans leur reliure ancienne, étaient là tous les ouvrages classiques qu’elle venait à peine de quitter, éditions rares où elle retrouvait, comme des amis, les noms de Racine, Corneille, Molière, Pascal, tout son dix-septième siècle, et aussi Montaigne et d’autres, et jusqu’à des poèmes de Marot et de Ronsard, soigneusement habillés de cuir fauve et d’or.

— C’est ma femme qui a eu l’idée !… révéla le docteur, tendrement. Elle a pensé que tu serais moins dépaysée avec tes auteurs familiers autour de toi !

— Merci ! Merci !

Et, gentiment, elle courut embrasser sa belle-mère.

« J’écrirai ça demain à Mlle Levieux ! » se disait-elle, toute fière.

Alors, elle osa regarder franchement autour d’elle.

— Oh ! comme c’est joli ! C’est vraiment pour moi, cette belle chambre ?

Le docteur Arnaud venait de prendre doucement la main de sa femme. Il avait les larmes aux yeux. Tous deux s’amusaient en silence de l’émerveillement de la grande écolière.

Quand elle eut tout regardé :