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Page:Delarue-Mardrus - Le Pain blanc, 1932.djvu/96

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LE PAIN BLANC

Jouer à courir dans le parc d’hiver, ç’eût été bon, pour se reposer de ces radiateurs.

— Qu’est-ce que je vais faire, à présent ?

Attirée par les pianos, elle finit par entrer au salon.

Déjà, dans le vestibule et le couloir, elle se sentait moins étrangère.

Dès la porte, elle s’arrêta. Le salon, dans la lumière du jour, n’avait pas le même aspect. Élysée, attentive, détaillait du regard toute chose. Elle fut attirée dans cet angle par le portrait pas encore remarqué de sa belle-mère, immense toilé qui la retint indéfiniment.

Ancien déjà, ce portrait stylisé, qui montrait Octavie dans un péplum aussi romain que son nom, portait dans un coin cette inscription : « Imperia. »

Trois rangs de perles tombaient du cou de cygne, un diadème couronnait l’altière petite tête dont les yeux d’un bleu entier, fixes, fascinaient l’invisible.

« C’est sans doute à cette époque-là, commençait intérieurement l’adolescente, que la baronne de Montval… »

Elle se retourna. Sa belle-mère entrait.

— Tu regardes ça, ma chérie ?… Ce n’est plus ressemblant. Viens chez moi. Je te ferai voir des portraits plus récents.

En pénétrant dans cette chambre, elle fut frappée de l’ordre qui y régnait, du haut goût qui s’y respirait.

— Tiens !… pendant que je fais mes ongles, regarde cet album. Tu trouveras, vers la fin, les seuls portraits dont je sois fière !

Mais, sournoisement, ce fut par la première page qu’Élysée commença. Mme Arnaud, absorbée par son travail minutieux, ne la surveillait pas.

La petite retint ses exclamations. En costume de page florentin, puis en bacchante, puis demi-nue dans un voile, en d’autres costumes encore, une Octavie de vingt-cinq ans, provocante, montrait ses belles jambes, ses beaux bras, semblait jeter au monde un hautain défi.

Cependant, s’étant instinctivement retournée, pour jeter un coup d’œil :

— Mais non !… Ce n’est pas ça que je t’ai dit de regarder !