Aller au contenu

Page:Delarue-Mardrus - Rédalga, 1931.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
rédalga

« Je l’empêche de sortir… » répétait cependant sa conscience.

Un peu blagueur de sa nature, il ajoutait :

« Vice pour vice, je lui dois un second verre de porto tout à l’heure. Mais elle ne l’aura pas ! »

Tout de même, quand le moment fut venu du repos du modèle, magnanime, il eut le courage de la prendre au bras pour lui faire faire un tour dehors.

Elle le suivit, corps sans âme. Elle était si visiblement minée par la privation que même les fraîcheurs du parc remis à neuf sous les averses ne la réveillèrent pas de son abattement.

— Ça passera, va !… disait Harlingues en lui serrant le bras. Et tu me remercieras bientôt de t’avoir opprimée comme ça.

Elle ne pouvait l’entendre plus qu’une bête à laquelle on tient des discours en la menant en laisse, mais il avait quand même plaisir à lui parler, ayant besoin d’extérioriser son exubérance.

— Tu ne sais pas ? Quand j’aurai fini le modelage, je le moulerai moi-même. Ça te distraira. Tu verras ce chambard ! Tiens ! Ce sera le symbole de ce qui t’arrive ! Tu sortiras toute blanche, toute blanche, après un martyre à tout casser, et tu seras solide, solide, ne craignant plus rien des effondrements de l’argile. C’est bien dommage que tu ne me comprennes pas, ma girl !

Il riait en se penchant pour la regarder, car c’est une posture fort comique que de faire de l’éloquence devant des sourds.

— Je pourrais t’expliquer avec l’ardoise, mais zut pour l’ardoise ! Nous avons autre chose à faire !

Le lendemain, le beau temps était complètement revenu. Harlingues hésita longtemps avant de se décider ; mais il finit par en prendre son parti. C’était trop égoïste de sa part