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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/119

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cheur passa dans la chambre à côté, suivi par tous, et s’assit, à côté de son second fils, au chevet de l’enfant malade.

— Tiens ! dit-il avec une petite rougeur aux joues, j’t’apporte des gâteaux !

Naïf, il développait, devant le gamin fiévreux et qui ne pourrait pas les manger, les deux éclairs qu’il venait d’acheter. Et ses gestes étaient si gauches, son regard si doux et si honteux, que des larmes en vinrent aux yeux durs de Ludivine.

— Pauvre papa ! murmura-t-elle.

— Spontanée, elle le prit par le cou, mit un baiser sur son visage taché de rousseur. Mais, cette fois encore, il n’osa pas la regarder et baissa profondément le front.

Pendant toute une semaine, il rentra régulièrement. L’argent qu’il rapportait, joint à celui qu’il donnait au mousse, la part du bateau qu’il enfermait dans une petite boîte, tout cela semblait accumuler des richesses dans la maison.

— Ludivine, au Ratier, était allée cueillir un trésor.

Naturellement, au bout de cette semaine exemplaire, Bucaille fit un retour nocturne plus bruyant que jamais. Mais chacun s’y attendait si bien qu’il n’y eut aucune surprise. Tant que Delphin rapporterait l’argent chaque jour, il ne fallait pas se plaindre. Dans cette nouvelle combinaison, il n’y avait plus de lésé que le bateau. Mais les fournisseurs auxquels on devait de l’argent ne réclamaient pas encore, et, malgré les réparations qu’on ne faisait point, la barque pouvait aller longtemps sans trop de dommage.

Le petit Maurice se guérissait lentement. Les siens n’avaient pas bien compris la gravité de sa maladie. Quand il fut debout, ils s’étonnèrent de le voir si maigre et si faible, encore qu’ayant grandi, comme il arrive souvent en pareil cas.

— Y n’fera jamais un marin… dit la mère assez tristement.

À quoi Ludivine répondit, goguenarde :

— Qui qu’ça peut fiche, à c’t’heure, puisque nous avons Delphin ?