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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/166

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— Quand y s’ra temps de te faire chauffer ta colle, tu m’le diras !… disait Ludivine.

— Veux-tu qu’on te prépare du bleu pour la mer ?… demandaient les enfants.

Vers l’heure de diner :

— Passez-moi la bouteille !…

Ô moment tant attendu !

Les manipulations de Delphin retenaient toutes les respirations. La colle forte coloriée était prête. Et les deux petits frères debout, Ludivine avançant le cou par-dessus sa couture, surveillaient la délicate opération.

La grêlée entra, revenant de l’hôtel où elle lavait le linge.

— T’arrives à temps !… s’exclama Ludivine, oubliant pour un instant ses disputes. Y va justement faire le lancement d’sa barque dans la bouteille, que j’allons enfin découvrir la racine !

Et, penchée avec les autres, la mère, le souffle coupé comme eux, s’immobilisa derrière Delphin.

— Si on rate son coup, murmura celui-ci, tout est à recomm…

Un craquement dans la porte, qui s’ouvrit toute grande.

— Bonsoir, tout l’monde ! J’vous amène de la visite.

Un seul sursaut mit debout Ludivine et Delphin. La bouteille roula sur la table, à côté du petit bateau. S’effaçant pour le laisser passer, le père Bucaille annonça :

— M’sieu Lauderin !


✽ ✽

Quand ils furent tous assis autour des verres de cidre, on s’aperçut que Delphin avait disparu.

Armand et Maurice, des larmes dans les yeux, avaient doucement reporté la bouteille et le bateau, l’un près de l’autre, sur le buffet de bois blanc.

La mère Bucaille, effarée, humble, relevait son tablier bleu. Ludi-