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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/173

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les deux petits garçons jouant dans la cuisine, Ludivine étant sortie, la femme Bucaille revint en trombe de son hôtel, ayant abandonné son travail, et si bouleversée qu’elle pouvait à peine parler.

— Vot’sœur ?… Où qu’est vot’sœur ?…

Maurice et Armand ayant répondu qu’elle était en courses, la mère se précipita dans la chambre.

— Ah !… t’es là, Bucaille ?… Dieu du ciel, si tu savais c’qui nous arrive !

Il se frottait les yeux. Puis sa figure tachée de rousseur se décolora lentement. Une catastrophe, naturellement.

La grêlée ne lui laissa pas le temps de poser la question.

— M’sieu Lauderin… bégaya-t-elle. J’viens d’le voir ! Il est venu me trouver dans l’hôtel… J’peux pas encore y croire ! J’peux pas encore y croire ! Y veut… y veut épouser Ludivine !

Assis sur son lit, stupide, le pêcheur ouvrait la bouche. Un bruit de portes fit bondir la mère.

— C’est toi, Ludivine ? Arrive là !… Tu vas en rester jugée !… Tiens ! J’te l’annonce devant ton père, ma fille ! M’sieu Lauderin… eh ben ! est vrai comme Barrabas la Passion !… m’sieu Lauderin te d’mande en mariage !…

Les sourcils rapprochés, la tête en avant, Ludivine, arrêtée sur le seuil, regardait sa mère. Celle-ci, debout au chevet de son homme, se mit à battre des mains.

— Il est v’nu m’trouver à l’hôtel : « Madame Bucaille, qu’y dit, ça va vous sembler drôle. J’sais bien qu’j’ai trente ans et qu’la fillette en a dix-sept ; mais j’ai de quoi la rendre heureuse. Qui qu’vous voulez, qu’y dit, j’l’aime ! Vot’mari, qu’y dit, il a cru qu’j’avais d’vilaines intentions, qu’il est v’nu m’chercher des mots étant sâ. Et j’ai bien vu l’aut’jour soir que la pétite m’en voulait itou. Alors, pour couper court (est l’expression dont il s’est servi), j’viens vous d’mander d’y d’mander si elle veut d’moi pour mari ! » J’en ai guère entendu pus long ! Y avait pus d’baquet, y avait