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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/196

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conquérant. Elle n’était pas encore à lui, mais le temps passait, rapide. Au mois de septembre, ils devaient se marier. La belle Mme Lauderin le vengerait de tous les affronts que lui faisait Mlle Bucaille.

Ce fut au commencement de mai.

Ludivine, dans l’armoire à glace donnée par son fiancé, se regardait presque avec complaisance, satisfaite du costume que venait de lui envoyer sa belle-sœur à venir.

Bien qu’elle continuât d’en sourire, moqueuse, le luxe, déjà, ne l’étonnait plus, première phase d’une habitude que le féminin sait prendre plus vite qu’aucune autre.

La mère Bucaille entra dans la pauvre chambre, et dit avec une grande émotion, en tendant l’enveloppe :

— Est une lettre de Delphin !

— De Delphin ?…

Ludivine avait arraché la lettre des mains de sa mère. Encore debout devant la glace, elle se mit à lire, fébrile, un peu pâle.

L’enveloppe portait : « M. et Mme Bucaille. » —

— Pourquoi pas à moi ?… se disait la jeune fille,

— Tu vas voir queu gentil éfant qu’ça est !… murmura la grêlée en secouant la tête avec une tendresse pensive.

« Chers bienfaiteurs. » commençait la grosse écriture d’écolier. Et les fautes drôles qui défiguraient chaque mot ne gênaient pas du tout Mlle Bucaille, malgré sa toilette.

« Chers bienfaiteurs, je vous dirai que je n’ai pas écrit jusqu’à ce jour afin de pouvoir vous donner de meilleures nouvelles, car depuis neuf mois que je vous ai quittés j’ai eu tant de tristesse que j’aimais mieux attendre avant de vous écrire parce que je croyais ne pas durer comme ça, que mon travail me déplaisait, et la ville du Havre, qui est trop grande quand on pense à Hon-