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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/213

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— Ludivine est là ?

C’était son mot chaque fois qu’il entrait dans la maison, comme s’il n’eût jamais été très sûr de retrouver dans sa cage le dangereux oiseau bleu.

Encore assise devant son couvert, Ludivine le regarda s’avancer vers elle. Et le bouillonnement de haine qu’elle sentit remuer dans tout son être la surprit par sa violence, lui fit presque peur.

Il s’approchait pour l’embrasser sur les cheveux, seule familiarité permise. Elle eut un bond si brusque qu’elle faillit le renverser. Alors, faisant mine de sourire, elle lui tendit, empressée, le petit paquet préparé pour lui.

— Tenez, Pierrot ! J’vous ai jamais rien offert, vous qui m’faites tous les jours une petite merveille. Eh ! ben !… V’là un cadeau pour vous !

Indécis, croyant à une attrape, il développa, tandis que tous les visages, autour de lui, s’amusaient de son air.

En voyant le porte-cigarettes, il changea de figure. Ludivine attentionnée, aimable, quelle émotion !

— De dire, s’extasia la mère Bucaille en faisant la cane, qu’elle a z-eu peine d’aller jusqu’au Havre, c’matin, pour quérî ça !

— C’est vrai ?… fit-il, tout frémissant de joie, en regardant Ludivine qui souriait toujours.

Puis, malicieux :

— Ah ! Ah !… Je vois pourquoi, maintenant, vous m’aviez défendu de venir ce matin !

— Justement !… approuvait-elle.

— Ce porte-cigarettes, continua-t-il, voyez-vous, jamais plus il ne me quittera ! C’est le plus beau cadeau qu’on m’ait jamais fait dans ma vie !

Ludivine, trépidante, eut envie de riposter, avec sa gouape des pires jours : « Tu parles ! »

Elle pinça les lèvres, tint son sérieux, et déclara :