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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/220

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Il avait claqué la porte derrière lui. Alors Ludivine, les poings à la taille, secouée par sa gaîté forcenée, marmotta cette chose que n’entendit pas le gamin aux écoutes :

— Ta femme !… Oui !… Mais tu n’auras jamais que les restes de Delphin, ou bien je n’m’appelle plus Ludivine Bucaille !


✽ ✽

Elle avait retrouvé son entrain. Lauderin était heureux. Il ne savait pas avec quelles ruses elle se glissait dans les rues pour mettre ses lettres à la poste. Tout l’amour qu’elle ne pouvait plus exprimer par ses yeux damnés, elle l’écrivait de son mieux à son matelot. L’attente de sa réponse, après trois lettres l’une sur l’autre, se traduisit par maintes avanies au fiancé, chien reconnaissant.

Puis, un matin, ce fut la mère Bucaille qui reçut le mot dans lequel Delphin disait qu’il pensait toujours à la famille et qu’il l’aimait toujours pour la vie. Ludivine comprit. Elle rayonna. Lauderin, ce jour-là, reçut un baiser sur le front. Peu après, ce fut une gifle. Le même jour, il fit part de ses beaux projets. Après la noce, ils iraient passer un mois à Paris.

— Vous verrez, petite chérie, comme vous aimerez ça !

— J’y tiens pas !… répondit-elle, renfrognée. À Paris, y a pas la mer.

Elle n’ajouta pas : « De l’autre côté de la mer il y a Delphin. »

Elle ne savait plus, maintenant, comment elle allait faire pour le revoir avant le mariage. Le temps passait, Lauderin la surveillait. Elle se creusait en vain la tête pour inventer le prétexte qui la mènerait seule au Havre. Et, dans sa rage impuissante, elle ne savait quoi trouver pour se venger sur le fiancé de toutes les révoltes qui clamaient en elle.

Il eut, un après-midi, dans le chantier des barques, où ils étaient