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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/244

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Neuf heures du matin.

Endormie enfin au lever du jour, elle reposait, anéantie par un sommeil pesant, sans rien entendre du remue-ménage de la maison. La mère Bucaille entra.

— Une lettre pour toi !…

Abasourdie et se frottant les yeux, Ludivine, tout à coup, retint un cri. Une lettre ?… Ce ne pouvait être que de Delphin. Tout était manqué. Il refusait l’expédition au Ratier.

Elle faillit déchirer l’enveloppe en l’arrachant des mains de sa mère. Une grande écriture…

— Qui qu’cha est ?

C’était un mot de Mme Jules Lauderin qui lui demandait pardon ! « Ouf !… Ce n’est que ça !… » pensa-t-elle. Mais, ensuite, rouge puis pâle, elle se mit à calculer les dommages causés par cette lettre devant laquelle il lui était impossible de continuer à bouder. Elle voulut réfléchir sur la situation. Elle n’en eut pas le temps.

— J’ai voulu t’laisser lire… commençait sa mère. Mais v’là l’affaire. Le commis qui a apporté la lettre, il a dit comme ça qu’m’sieu Lauderin nous fait prévenir de nous parer tous, qu’on va en famille déjeuner à la côte, et faire une partie, que les voitures vont passer nous prendre à dix heures et demie. Tes frères en sont dépassés de joie, qu’y font des grands plinguets dans la cuisine, ma por’fille, que j’ai cru qu’y cassaient tout là n’dans ! Et ton père est déjà à s’débrauder dans le baquet, comme si qu’y voulait s’arracher la viande !

Dans une sorte de grincement de dents, Ludivine gronda :

— J’irai point !

— Hélâ !… se récria la pauvre Bucaille, suffoquée. Et pour qui qu’t’iras point ?

— J’ai aut’chose à faire que cha !…

— Aut’chose ?…

La petite comprit qu’elle gâtait tout, qu’elle allait, à la fin,