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Page:Delarue Mardrus - L’Ex-voto, 1927.djvu/257

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un grain du Nord, cha ! Ça prend avec la marée, j’allons danser pour rev’nir, sûr et certain !…

— Danser ?… bégaya Lauderin en se dépêchant.

— Oui, danser !… cria Ludivine avec un éclat de rire frénétique. Danser !… Ça n’vous plaît point, ça, hein ?… Ah ! ah !… r’gâdez la goule qu’y fait !… Ça n’a pas d’copie !…

Un geste pour rattraper son chapeau la fit pirouetter.

— Ah ! Ah !… L’capet qui s’envole ! Y roule dans la vase !… Ah !… Ah !…

Courbée en deux, elle se tapait sur les cuisses, au milieu d’un tourbillon de mèches pâles. Envahissant l’azur d’été, du fond de l’horizon bas et noir, un second ciel s’avançait vite, précédé par de grosses gouttes de pluie.

« Y va avoir mal au cœur !… » se répétait Ludivine, exultante.

— Dépêchons-nous !… dit soudain, très grave, le patron de Bon-Bec. Je serons les derniers à partir, par eune foudre de vent comme cha !

Il venait d’échanger un regard avec son matelot, qui se mit à courir à toutes jambes dans la direction de la barque, qu’on ne pouvait encore voir de là.

— Allons, m’sieu Lauderin !

La voix du pêcheur était brève. Ludivine, gambadant pour suivre le mouvement, continuait à pousser des cris de rire. Ils dévalaient tous trois le dos d’âne.

— Ah !… vingt Dieux !…

Une rafale emporta la voix du bonhomme. Dans une ruée de lames encore étales, dont l’écume rebroussée fuyait obliquement au vent, ils virent, entré jusqu’à mi-corps dans l’eau furieuse, le matelot qui bondissait et trébuchait, repoussé brutalement par les vagues toujours plus hautes. Et devant ses mains forcenées et vaines, fuyait, sans cesse noyée par des coups de mer, la longue amarre de Bon-Bec, arrachée du banc avec son caillou, par la